L'élève Sinner : 20/20 en sport - 2/20 en droit

Toutes les semaines, un résumé à la volée de l'actu tennis

Service à la Cuillère
7 min ⋅ 10/09/2024

Le Sommaire

  • US Open 2024 : L’été 2024 n’aura été le même pour personne. Une saison estivale sous fond de dopage, de médailles, de grand bonheur et de déceptions, de repos…
    Ce qu’il s’est passé dans le tableau masculin : un Sinner imperméable à la pression, des américains en vogue et des médaillés olympiques au bout du rouleau
    Ce qu’il s’est passé dans le tableau féminin : une cogneuse mais pas que devenue irrésistible, des américaines en vogue et le retour d’une magicienne

  • Du côté des français : Encéphalogramme plat, on vous donne quelques pistes

  • Pendant ce temps sur le circuit challenger… Ah beh c’est mieux par ici !

  • Jan-nik la police justice : Retour sur l’affaire qui a secoué et fait réagir le monde du tennis fin août


Rare image de Jannik Sinner riant à gorge déployée © Angela Weiss/AFP

US Open 2024 : Une rentrée des classes compliquée

Il y a des étés plus fatigants que d’autres. Celui de 2024, comme tous les 4 ans ou presque, n’a pas dérogé à la règle pour celles et ceux qui lorgnaient sur une éventuelle breloque du côté de Paris.
C’est bien beau mais au final, ça arrive fatigué pour la rentrée et ça roupille direct en fond de classe. Il y a mieux pour commencer l’année scolaire. Certain.es se sont carrément endormi.es sur leurs lauriers dans la “ville qui ne dort jamais”. Ceux-là ne viendront pas pleurer si la mention est ratée dans quelques mois.

La classe US Open 2024 n’a donc pas été la meilleure promo de ces dernières années la faute à un été agité.

Le tableau masculin : Sinner a acheté un cahier de vacances, pas les médaillés aux JO

Pour l’intello de la classe Jannik Sinner, c’en était un, d’été agité. Lui n’a pas participé aux JO, la faute à une angine. Foutue clim… Il a du présenter un certificat médical au dernier moment l’exemptant d’activité sportive fin juillet début août. Mais il a évité le pire, à savoir prendre deux ans d’interdiction à se présenter à des épreuves. On y reviendra. L’italien est arrivé frais physiquement mais pas mentalement à Big Apple et ça a suffi.
Les médaillés parisiens ont débarqué à New York crevés et se sont fait virer en plein cours de sport dès la première semaine parce que, selon le prof d’EPS, “ils n’ont rien dans le ventre”. Il n’avaient surtout plus rien dans les jambes. Les mauvais élèves sont donc Djokovic, Alcaraz, Musetti et Auger-Aliassime.
Pour Fritz ou Draper, qui ont eu la bonne idée de faire une pré-rentrée après Paris, ça s’est mieux passé.
Et puis il y a ceux qui ont rechargé les batteries en Juillet, ont fait un peu de sport en août “histoire de” avant de taper le 17/20 dès la deuxième semaine, comme Tiafoe.

En résumé, Jannik Sinner a donc fait une petite faute d’orthographe en début de dictée contre McDonald avant de dérouler jusqu’à une petite hésitation logique en quarts contre Medvedev (deux “i” ou deux “l” à Daniil ?). Paul en 8èmes n’a pas posé de problème, il est sage désormais, pas plus que Draper en demies ni même Fritz en finale 6/3 6/4 7/5. Un métronome flippant, un statut de n°1 renforcé et un deuxième titre du Grand Chelem.

Ce bon vieux Taylor Fritz, qui fut sérieux aux JO (bronze en double) mais trop limité en simple sur la surface, s’est distingué avec la mention bien durant cet US Open. Berrettini, Ruud, Zverev et Tiafoe auraient aimé jouer le dernier dimanche mais l’américain avait grave la Fritz. L’américain de 26 ans les voulaient trop, ces premières finale (et même demies) ainsi que les félicitations du jury, pour les partager.

Frances Tiafoe est un homme de rentrée des classes. Déjà en demies de l’US en 2022, il a récidivé en se montrant complet contre Shelton et Popyrin puis chanceux contre Dimitrov en quarts. Parfois la tête dans les nuages, il rend une copie propre mais trop succincte contre son copain Taylor 6/4 5/7 6/4 4/6 1/6.
L’élève qu’on n’attendait pas durant cette première quinzaine, c’est l’anglais Jack Draper (22 ans). Captain Jack a bien mené sa barque contre Zhang, Van de Zandschulp, Machac… et surtout de Minaur en quarts. Pas un set de perdu avant de buter contre le “trop gentil Sinner”. Un 17/20 qui le fait intégrer le top 20 mondial.

Aux rayons des cancres du fond de la classe, une fois n’est pas coutume on retrouve, bien installés sur leur chaise, Djokovic et Alcaraz. Rincés de leur été avec finales à Wimbledon et aux JO, une arthroscopie pour le premier et un titre à Roland pour le second, c'en était trop pour le père et le fils prodigue. L’ibère de 21 ans n’avait plus d’encre dans son stylo dès le deuxième tour contre Van de Zandschulp 1/6 5/7 4/6. Pour le serbe de 37 ans, c’est au 3ème tour, contre le vainqueur surprise du M1000 de Montréal Alex Popyrin, que la fin de la récré a sonné 4/6 4/6 6/2 4/6.
Pas de mention non plus pour Alexander Zverev. A clamer haut et fort qu’il se sent légitime à être premier de la classe, il va finir par se planter s’il ne révise pas en dehors des courts. Cette fois, il rend une copie bâclée en quarts contre Fritz en 4 sets.
Enfin, des encouragements pour Popyrin qui a passé un cap, Nakashima qui retrouve un vrai bon niveau et Dimitrov, le malheureux Grigor, qui abandonne lors d’un possible thriller en quarts contre Tiafoe.

”Belle victoire Alex, encore 4 victoires d’affilée et ça ne fera plus que 24 GC à 1” © AFP


Le tableau féminin : Sabalenka, sabalence dans tous les sens

Aryna Sabalenka a bien fait de demander un mot à ses parents pour ne pas aller réciter ses gammes à Wimbledon et aux JO, préférant se reposer à la place. Ressourcée et confiante après sa victoire à Cincinnati, la biélorusse a tapé fort, très fort du poing sur le pupitre à New York. Si fort que la vitesse de croisière de son coup droit était supérieure à celle de Djokovic ou Alcaraz.
Hon puis Bronzetti sont éparpillées, mais au 3ème tour elle se trompe dans ses calculs le temps d’un set contre Alexandrova. Ce sera la seule fois de la quinzaine. Elle a failli s’endormir d’ennui contre Mertens en 8èmes. Alors en quarts, elle a assuré en faisant un puzzle 1000 pièces de la championne olympique Zheng 6/2 6/1. Emma Navarro n’a pas résolu l’équation en demies malgré une petite résistance. C’est en finale que la n°2 mondiale cravache le plus. Pegula et Aryna jouent par séries, à toi à moi. 7/5 7/5, la copie est presque parfaite et le compte y est. Sabalenka s’offre un 3ème titre du Grand Chelem après ses deux Open d’Australie et s’impose comme la référence sur dur à 26 ans.

Il n’y a guère que les USA qui ont pu vibrer sur cet US Open, en plaçant deux de leurs représentants en finale de simple. Avant Taylor Fritz, c’est Jessica Pegula qui a un temps fait rêver la bannière étoilée. Comme Fritz, l’américaine a cassé son plafond de verre qui était les quarts de finale en Grand Chelem. Elle a, elle aussi, sauté une classe en filant en finale cette fois. Jessica a eu droit à deux américaines pour commencer dont Sofia Kenin, la jeune russe Shnaider en 8èmes avant de plancher sur le concours blanc, toujours plus difficile que le vrai, Iga Swiatek. Pegula a bien révisé pour ses partiels, 6/2 6/4. En demies, elle n’a pas réussi le premier exercice mais a déroulé sur les deux suivants contre Muchova. Avant la finale et son problème insoluble.

Elles aussi méritent une mention.
Emma Navarro, d’une constance remarquable cette année avec un 3ème tour en Australie, un 8ème à Roland, un quart à Wimbledon et donc une demie à l’US, s’impose comme une joueuse qui compte, et qui compte bien. Coco Gauff, championne sortante, a pu le remarquer au 4ème tour.
Karolina Muchova nous avait enchanté l’année dernière. Pas loin de redoubler à cause de son poignet au deuxième semestre, la tchèque a sorti un nouveau pinceau pour signer ses plus belles arabesques. Comme l’année dernière, elle atteint les demies avec notamment un 6/3 6/3 contre le tube de l’été, Jasmine Paolini, en 8èmes.

Les encouragements sont avant tout pour Paula Badosa et son dos qui la laisse enfin un peu tranquille. 139ème en cours d’année, la revoilà top 40 avec le WTA500 de Washington dans la poche et un quart de finale à New York. La copine de Tsitsipas n’est peut être pas prête d’arrêter les études finalement.

”Qu’est ce que je vais bien pouvoir bouffer ce soir ?” Jessica Pegula © AP Photo Julia Nikhinson

Du côté des français

Sujet à traiter :
Ils étaient 7 femmes et 14 hommes représentant la France au 1er tour en simple de l’US Open. 3 joueuses et 7 joueurs ont atteint le deuxième tour et il est à déplorer qu’aucune victoire n’a été recensée par la suite, malgré la présence de Jessika Ponchet au 3ème tour.

Comment peut-on l’expliquer ?

Interprétation A : ils sont tous nuls
Interprétation B : ils n’ont pas eu de chance au tirage, Muller a perdu contre Zverev, Rinderknech contre Rublev et Jacquet contre Dimitrov
Interprétation C : c’est pas de leur faute, il faisait chaud et Ugo Humbert était malade par exemple
Interprétation D : le président de la FFT aurait dû accepter la démission d’Ivan Ljubicic, ce gros naze et son emploi fictif (c’était un très bon joueur, c’est pas le sujet)
Interprétation E : Gaël Monfils est trop vieux
Interprétation F : Corentin Moutet est incorrigible
Interprétation G : Fils, Cazaux, Mpetshi Perricard et Van Assche, que des ptits jeunes qu’on a vu trop haut trop vite et voilà où on en est maintenant
Interprétation H : Heureusement que Rybakina déclare forfait au 2ème tour hein ?
Interprétation I : eh oh, faut pas abuser, Clara Burel a gagné contre Stephens en étant menée 6/0 3-0 quand même, c’est fort ça !
Interprétation J : on gagne des challengers*, c’est bien aussi les challengers !

*voir la rubrique suivante “Pendant ce temps sur le circuit challenger”

”Non mais attends, l’arbitre il est au tél pendant mon match et je dois pas m’énerver ?” Corentin Moutet

Pendant ce temps sur le circuit challenger

Parce que le tennis c’est pas que strass et paillettes, on vous emmène dans la ligue 2 du circuit, là où les courts ont des bosses, les grillages sont troués et les balles un peu volantes parfois.

Mais pour voir des français gagner, c’est ici qu’il fallait être.

Challenger 75 de Côme - Italie : Gabriel fait du Debru-it !
Le français de tout juste 18 ans pour qui la France du tennis s’est enflammée il y a quelques années a remporté son deuxième challenger. Sa force de frappe a réduit en cèdres le libanais Hassan 143ème mondial. Il a profité du forfait de Nishikori, a battu Travaglia, ancien 60ème, puis en finale a plumé cette Buse d’Ignacio. Debru est bel et bien en train de grimper du haut de ses 193cm.

Challenger 75 de Cassis - France : Gasquet, cassis de partout mais encore vivant !
Il y a 22 ans, Richard Gasquet remportait le premier challenger de sa carrière. A Cassis il est resté debout et a allongé ses adversaires un à un. A savoir Bellier qui est reparti à 4 pattes, Cornut-Chauvinc mais pas trop, Droguet qui est ressorti avec la tête qui tourne, Soriano Barrera qui a donc pris un stop et enfin Rodionov-otel qui a pris une nuit supplémentaire.

”Gabriel, c’est bien mais Debru-ssaille moi cette tignasse stp” © P.Lahalle/L’équipe

Jan-nik la police justice !

Elle a commencé étouffée avant de faire grand bruit. Elle ne sera pas oubliée mais avec de la pommade, ça passera. Elle, c’est l’affaire Sinner. Et la pommade, ce n’est pas celle de son kiné. C’est une ombre qui va suivre longtemps le numéro un mondial, une tâche indélébile sur un CV qui va prendre de l’épaisseur, beaucoup d’épaisseur vu le niveau de tennis que pratique le bonhomme.

Masters 1000 d’Indian Wells 2024, mois de Mars dans le désert californien. Le jeune italien, tout juste auréolé de son premier titre du Grand Chelem en Australie, est stoppé en demi-finales par Alcaraz. Le Masters 1000 de Miami est dans quelques jours et un contrôle anti-dopage coincé au milieu.
Ce contrôle s’avère positif au clostébol, un stéroïde anabolisant. La contre-expertise confirme le premier échantillon. Sinner s’est dopé mais à ce moment là, personne ne doit le savoir. La défense autour de l’italien s’organise en secret. Entre-temps, Sinner devient numéro un mondial, pendant Roland Garros. Il déclare forfait pour les JO à cause d’une angine. Vraiment ?
Et puis le 20 août, la vérité éclate par l’ITIA (Agence Internationale pour l’Intégrité du Tennis). Non pas que Sinner soit dopé. Mais que Sinner est… blanchi par un tribunal indépendant. L’AMA (Agence Mondiale Antidopage) peut encore faire appel. Mais elle ne le fera pas.

Les arguments de la défense tiennent la route, Jannik est mis hors de cause. C’est son kiné qui l’a involontairement contaminé en le massant mains nues alors qu’il avait utilisé un produit pour soigner une coupure au doigt. Les doses retrouvées sont infimes et n’ont pas impacté les performances du joueur. Soit.

Et maintenant ? Et si Jannik n’était pas Sinner ? Si Jannik était en fait Arthur Rinderknech, Simona Halep ou Mickaël Ymer ? L’histoire aurait été toute autre. Kyrgios, Pouille, Shapovalov et d’autres ont élevé la voix et trouvent le traitement de l’affaire à vomir. Novak Djokovic et même Roger Federer, à qui la question a été posée, reconnaissent qu’il y a deux vitesses dans le traitement de ce genre d’affaire et qu’une uniformité là dedans ne ferait pas de mal. Tout ce monde là à raison. Sinner fait partie des intouchables presque malgré lui. Les meilleurs du circuit sont (sur)protégés toute l’année et voilà qu’ils le sont aussi lorsqu’une affaire de dopage éclate.
Des joueurs et des joueuses ont été suspendu.es pour moins que ça, des joueurs et des joueuses ont été suspendu.es pour 3 no-show. Etaient-ils dopés pour autant ? Rien n’est moins sûr.
Le fait que Sinner n’ait pas été suspendu durant la procédure jusqu’à la décision du tribunal est absurde et injuste. Parce qu’un joueur plus lambda l’aurait été et l’affaire rendue publique, immédiatement. Mieux vaut ne pas parler de la suite et de la décision en elle-même, nous serions désagréablement surpris.

Sinner, sa famille, son entourage proche et l’Italie semblent ou veulent oublier, à grands coups de communication mettant en avant l’intégrité de l’italien dont personne ou presque ne doute. Tout ce petit monde se trompe de sujet et ce n’est malheureusement pas ainsi que le tennis va progresser. Même si, encore une fois, Sinner n’est pas un tricheur.

Service à la Cuillère

Par Service à la Cuillère

Service à la Cuillère, c’est l’aventure d’un passionné de tennis pas (du tout) assez talentueux pour faire carrière mais qui a toujours caressé l’espoir de remplacer un jour ce bon vieux Chamoulaud sur France TV pendant deux semaines fin Mai - début Juin si vous voyez ce que je veux dire.

Sans prétention mais pas sans espoir, je souhaite simplement transmettre la passion qui m’anime, raconter des histoires, rigoler et être un peu acerbe aussi, parce que c’est drôle d’être acerbe.
Dépoussiérer le tennis, c’est pas une mauvaise idée non ? Et puis, “mieux vaut les voir faire ça qu’ils traînent dans la rue à faire des conneries” que se disent nos vieux. Je déconne, j’ai plus de 30 balais et je suis bien occupé la journée.

Allez, les joueurs sont prêts, jouez !

Les derniers articles publiés